Ma boîte mail est un fantôme me réclame une dette infinie

Chaque matin, le même rituel. J’ouvre ma boîte de réception, et le chiffre (1327) apparait. Ce n’est pas un nombre, c’est un jugement. C’est la somme de toutes les décisions que je n’ai pas prises, de toutes les conversations que je n’ai pas conclues.

Ma boîte mail est devenue la matérialisation de ma “dette attentionnelle”. Chaque e-mail non lu est un créancier silencieux.

  • La newsletter que j’ai gardée “pour plus tard” : C’est un prêt à la consommation intellectuelle que je ne rembourserai jamais.
  • Le mail d’un collègue avec pour objet “petit point” : C’est un micro-crédit de charge mentale à taux variable.
  • La notification “Votre panier vous attend” : C’est un huissier numérique qui essaie de saisir ma volonté.

Ma boîte de réception est devenue ma génératrice d’anxiété. L’input (nouveaux e-mails) est toujours supérieur à l’output (e-mails traités), garantissant une croissance exponentielle de la dette.

La seule solution, m’a dit un jour un gourou de la productivité, est “l’Inbox Zero”. C’est l’équivalent monastique de la gestion de projet. Atteindre le zéro, c’est atteindre le Nirvana numérique, un état de grâce qui dure en moyenne 14 secondes, avant que le premier mail “URGENT : Avez-vous vu mon mail précédent ?” n’arrive.

J’ai donc décidé d’adopter une approche sage. Le problème n’est pas la dette, mais ma croyance en sa légitimité. J’ai décidé que tous les e-mails de plus de deux semaines sont des fantômes. Ils hantent ma boîte de réception, mais ils n’ont plus de pouvoir sur moi.

Je ne les supprime pas. Je les laisse là, comme un memento mori numérique, un rappel que l’on ne peut pas répondre à tout. Et que c’est très bien comme ça.